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La photo du matin
Aujourd'hui, on a croisé Barbie Blonde, Barbie Bleue, Barbie Mauve et Ken Chili con carne... trop de la chance !
Amoureux des maisons fastueuses Antebellum (= bâties avant la guerre de Sécession des années 1860) vestiges chargés d'histoires de l'époque du "Vieux Sud", cet article est fait pour vous...
Nous, on éprouve pour ces demeures une fascination mêlée de regret (belles mais pas pour nous !), qu'exprime notre interjection récurrente devant ces merveilles d'architecture : "oh la la !", et qui a fini par devenir entre nous (et sur ce blog, pour les habitués...) leur dénomination générique : nous allons donc aujourd'hui faire une balade dans le Garden District et ensuite sur Esplanade Avenue pour voir les Ohlalas de la Nouvelle Orléans...
Pour vous permettre de mieux comprendre les divers styles architecturaux des demeures du Vieux sud, voici un petit récap auquel vous pourrez vous référer si vous le désirez : nous avons déjà vu les "Créoles Townhouses" hier dans le Vieux Carré, reconnaissables par leur balcon en fer forgé, dont certaines Entresol (quand le rez-de-chaussée est occupé par des boutiques), aujourd'hui le Garden District va faire la part belle au style Greek Revival (en France, on dit "néo-classique") inspiré des temples grecs, avec ses colonnes blanches et ses frontons imposants, mâtiné de Queen Ann, vérandas et tourelles, et même de Renaissance Italienne, loggias, fenêtres en arcades et corniches ouvragées...
Sans parler des célèbres Shotgun Houses dont je vous reparlerai plus tard..
Trajet du Streetcar jusqu'au Garden District
Pour nous rendre dans le Garden District, nous empruntons le très peu rapide mais très mythique St Charles Streetcar ($1,25 le trajet), le fameux "Tramway nommé Désir" du film éponyme de Kazan.
C'est le plus vieux tramway du monde encore en circulation (en 1833, il était tiré par des mules), le confort sur les bancs de bois est donc en accord avec l'âge !
Le circuit du tramway nous fait d'abord emprunter une partie de Canal Street
avant de redescendre la St Charles Avenue
Nous nous arrêtons à St Charles § Jackson pour explorer la partie du Garden District qui va jusqu'à la Fourth Street, en englobant Magazine, Prytania, Chesnut et Coliseum. Ce sont les rues où se trouvent les plus belles résidences.
Dès la descente du tramway, on s'extasie déjà devant la beauté des maisons colorées de l'avenue St Charles...
Et ça va continuer ainsi toute la matinée !
Le Garden District était à l'origine constitué de plusieurs plantations aux maisons fastueuses dont la célèbre Plantation du Livaudais. Le terrain a été ensuite divisé en parcelles pour les riches américains protestants qui voulaient vivre loin du quartier français et de sa population catholique créole... Le district a d'abord fait partie de la ville de Lafayette City, ce n’est qu’en 1852 qu’il a été rattaché à La Nouvelle-Orléans.
À l’origine, le quartier était conçu avec seulement deux maisons par block, entourées de jardins luxuriants, d’où son nom. A mesure que la Nouvelle-Orléans devenait plus urbanisée, les grandes parcelles ont été divisées en lots plus petits.
La plupart des demeures du quartier ont donc été bâties entre 1810 et 1860, elles appartenaient à de riches planteurs ou des hommes d'affaires (ayant réussi leurs affaires, donc !)
Certaines sont des Historical Markers, signalées par un panneau racontant leur histoire, soit qu'elles aient été occupées par des personnes célèbres (même du show-bizz comme Sandra Bullock ou Nicolas Cage...), soit parce qu'elles présentent un intérêt architectural ou décoratif particulier...
Par exemple, la Goldsmith-Godschaux House (1122 Jackson Ave), conçue par le célèbre architecte Henry Howard, n'offre pas la façade la plus spectaculaire du quartier mais regorge de trésors décoratifs intérieurs, plafonds peints, fresques murales, frises au pochoir, dorures et rose bonbon (mais pas le temps de visiter aujourd'hui !)
Les maisons sont bien sûr magnifiques déjà de part leur architecture mais elles sont en plus sublimées par des petits détails de décoration, couronnes de fleurs, finesse des grilles en fer forgé, couleur des portes et des volets, vérandas aménagées, vitraux Tiffany, trompe-l’œil... et même un casse-noisettes ! Je n'ose pas imaginer ce que ça doit donner pour Carnaval, Halloween ou Noël !
Diaporama : Garden District, détails des maisons
Sans parler de la végétation luxuriante, des jardins bien entretenus arborant palmiers, magnolias et bananiers, des haies de jasmin odorant que nous longeons au cours de notre promenade...
Du coup, beaucoup de demeures sont cachées derrière la végétation, comme des trésors, à l'image de Payne House (1134 First Street) qui affiche fièrement son "historical marker" sous prétexte que Jefferson Davis, président des États confédérés pendant la guerre de Sécession, y est décédé fortuitement de la malaria.
Diaporama : Garden District, les maisons et la végétation
Mais surtout, superbes, majestueux, enchevêtrés, branches tourmentées et racines envahissantes, mon plus gros coup de cœur de ce voyage...
...les chênes géants centenaires du sud recouverts de mousse espagnole (appelée aussi cheveux d'ange ou barbe de vieillard). Leur ramure est immense, ils forment souvent une voute au-dessus des rues, c'est magnifique, on est conquis !
Diaporama : chênes et mousse espagnole
Dans Garden District, on trouve aussi une mignonne chapelle
St Mary's Chapel (1516 Jackson)
La Trinity Episcopal Church (1329 Jackson Ave)
avec les grandes orgues à côté du chœur...
...et son école privée qui enseigne "l'excellence et la joie d'apprendre aux enfants brillants et curieux et les prépare aux plus hauts diplômes" dès le plus jeune âge... (mais là, pour l'instant, c'est plutôt la prépa de l'apéro, visiblement !)
Le must : le long des trottoirs, n'hésitez pas à utiliser ces poteaux à anneaux pour attacher votre cheval !
Voici maintenant, pour le régal de vos yeux, une liste non exhaustive des maisons classées au registre national des lieux historiques, dans l'ordre de notre balade.
Buckner Mansion et ses colonnes ioniques et corinthiennes, au 1410 Jackson Avenue
Construite en 1856 par un magna du coton, elle a servi de décor extérieur pour l'école des sorcières de Miss Robichaux dans la saison 3 de la série "American Horror Story".
Thorn-Morgan Cottage (1883) au 1435 Jackson Avenue
de style italianisant
Brevard-Rice House, de style Greek Revival (1857) au 1239 First Street.
Achetée en 1989 par l'écrivaine Anne Rice qui y a rédigé bon nombre de ses romans fantastiques comme "The Witching Hour" dans lequel la maison sert de résidence ancestrale aux sorcières de Mayfair.
A noter que Norbert est beaucoup plus intéressé par la dimension de l'arbre que par les sorcières qui hantent la maison !
Carroll-Crawford House (1869) au 1315 First Street, la beauté rose !
Propriété d'un ami de Mark Twain qui y donnait des soirées somptueuses.
Peut-être bien ma préférée avec le style italien de ses fenêtres, ses bow-windows à l'anglaise, ses balcons ouvragés... et sa couleur Barbie !
Chacune de ses façades est magnifique !
Du même architecte, Morris-Israel House (1860) au 1331 First Street est un des plus beaux exemples de style italianisant pur, fenêtres cintrées, dentelles de fer forgé et fines colonnes en fonte. Elle a aussi appartenu à Anne Rice (parce que ça rapporte bien la littérature fantastique...)
Pritchard-Pigot House au 1407 First street a d'abord été bâtie en 1807 comme une simple Townhouse mais l'ajout en 1904 des colonnes doriques et des baies latérales en symétrie l'a transformée en imposante demeure de style néoclassique.
Cette maison au 1423 First Street, très beau mélange grec/italien, fut la maison de Peninah Kruttschnitt, un prénom et un nom pareil ça ne s'invente pas, quand le destin s'acharne sur toi pour te pourrir la vie...
Mise en valeur par la végétation, c'est une petite merveille (oui, en fait, sa vie n'était pas trop pourrie, à Peninah, finalement...)
Toby's Corner (1838) au 2340 Prytania Street serait la plus vieille maison non modifiée du Garden District. Elle reflète le style des maisons créoles, construites sur piliers pour se protéger des crues du Mississippi pendant la saison des pluies.
Bradish-Johnson House (1872) au 2341 Prytania, de style Second-Empire, acquise par un propriétaire de plantation de sucre pour la modique somme de 100.000$ (plus d'1,6 millions aujourd'hui...) A partir de 1929, école privée pour jeunes filles de bonnes familles...
...que voilà ! Bon, ben, les bonnes familles, visiblement, ce n'est plus ce que c'était... Visez un peu la longueur des jupes de l'uniforme...
Adam Jones House (1860) au 2423 Prytania.
La maison a été construite pour John I. Adams : ce marchand a acheté la partie de l'ancienne plantation Jacques François de Livaudais qui est devenue plus tard le Garden District.
Cette belle demeure de 1859, située au 2500 Prytania, a été donnée avec tout son mobilier à la Women's Guild of the New Orleans Opera Association. On peut la visiter ou même la louer pour des événements (pour ceux d'entre vous qui voudraient s'y marier par exemple).
Gilmour-Parker House (1853) au 2520 Prytania Street est actuellement en vente au prix dérisoire de $2,695,000 (mais le propriétaire vient juste d'accepter une offre... désolée !)
Our Mother Of Perpetual Help Chapel.
Ce manoir de style Néoclassique /Italianisant, situé 2500 Prytania, a été conçu par Henry Howard en 1857 pour un riche importateur de café (je ne sais pas pourquoi je précise « riche » à chaque fois…) On l'appelait souvent "le gratte-ciel" car c'était la structure la plus haute du Garden District à cette époque. Après la guerre civile, il a été acquis par l'Église catholique comme demeure pour prêtres âgés (sympa, la maison de retraite !)
Plus récemment, la maison a appartenu à Anne Rice, qui l'a utilisée comme décor pour son roman Violin, et par Nicolas Cage (parce que ça rapporte d’être un ange à Los Angeles !)
Ce pavillon en fonte érigé dans le jardin rappelle qu'autrefois, la chapelle "Notre Mère du Perpétuel Secours" de la maison célébrait des messes pour les familles catholiques du Garden District (d'où le nom du manoir).
Au 2605 Prytania, la très jolie Briggs-Staub House cachée par les chênes et la mousse espagnole. Construite en 1849 pour un joueur du nom de Bulitt, c'est l'une des rares maisons néo-gothiques de la ville. Le flambeur ayant perdu au jeu ne put jamais la payer ! L'architecture de la maison a fait scandale à l'époque, les habitants majoritairement protestants du quartier dénonçant son toit à forte pente et ses fenêtres en arc en ogive, trop catholiques à leur goût !
On tourne sur la Third Street pour aller voir au 1415 une des plus grandes maisons du Garden District avec près de 1000m2, la Walter Grinnan Robinson House (1859), imposant manoir de style Gréco-Italien comportant 9 chambres et 10 salles-de-bain, avec des plafonds de 5m de haut... Avec sa forme inhabituelle, son toit faisait office de grande cuve pour recueillir l'eau de pluie.
Musson Bells House (1853), au 1331 Third Street, appartenait à l'un des rares français habitant le quartier, un commerçant de coton oncle d'Edgar Degas, prospère avant la guerre de Sécession mais un peu moins après... Il dut la vendre et emménager sur Esplanade Avenue (où nous irons cet après-midi.)
Une des plus célèbres demeures du Garden District, la Colonel Short's Villa (1859) se situe au 1448 Fourth Street.
On la nomme aussi "the Cornstalk Fence Mansion" car le travail de sa clôture en fonte, décorée d'épis de maïs et d'ipomées grimpantes, est exceptionnel.
Au 2707 Coliseum Street, on trouve la maison d'enfance de Brad Pitt... enfin de Benjamin Button ! Son véritable nom est la Nolan House, il est tout à fait remarquable de noter que c'est aussi le prénom de mon petit-fils...
C'est également sur Coliseum Street que se situent les Seven Sisters (qui sont huit en fait... c'est comme les trois Mousquetaires !), une rangée de maisons de style Shotgun, qualificatif qui mérite un peu d'explications...
Littéralement "maison fusil-à-pompe", la Shotgun House est à l'origine une structure rectangulaire, toute en longueur avec à peine 3,50 m de large, une enfilade de pièces et des portes aux deux extrémités de la maison (une donnant sur la rue et l'autre sur l'arrière). Ce style a aussi introduit dans l’architecture américaine un concept très développé ensuite : le porche.
A une certaine époque, on déterminait le prix du loyer de la maison par rapport à sa largeur sur le trottoir, et non sa superficie totale. Donc les Créoles de la Nouvelle-Orléans on construit des maisons étroites mais toute en longueur pour avoir le meilleur prix...
Leur drôle de nom viendrait du fait que, avec sa forme, un coup de fusil tiré depuis la porte d’entrée ressortirait directement par la porte de derrière... Mais d'autres historiens pensent que cette dénomination a des origines africaines et haïtiennes. En langue fong-be (Dahomey), le terme « to-gun » désignerait en effet une maison...
Ici, ces Shotgun font partie d'une commande destinée à la spéculation... je vous en montrerai de plus authentiques cet après-midi...
Remarque : il existe aussi des "doubles Shotgun", comme nous en avons vu hier dans le quartier français.
Les colliers de Mardi-Gras sont restés attachés aux balcons...
Ci-dessous, d'autres belles Ohlalas du Garden District, attention 😉 risque élevé d'overdose...
Diaporama : Garden District
Après cette balade tranquille où nous avons croisé très peu de touristes, nous voilà arrivés sur Washington Avenue devant Commander's Palace (1893), très beau restaurant de cuisine Cajun qualifié "d'établissement de luxe" sur le web... en principe, cela signifie pour nous "adapté à notre budget dans une autre vie peut-être"...
Il fait face au Lafayette Cemetery (ouvert de 7h à 15h, entrée gratuite) qui est notre prochaine étape. Oui, parce qu'on aime bien visiter les cimetières, nous, aux USA ! Je prévois toujours dans nos roadtrips au moins un musée, un cimetière et un jardin botanique !
Ici, l'arrêt est incontournable (d'ailleurs, on y retrouve les touristes): ce cimetière-là est étonnant aux États-Unis, avec ses hautes stèles, ses statues et ses mausolées imposants... et, bien entendu, c'est le plus hanté du pays.
Bien que peu étendu, le cimetière renferme 1100 tombes et plus de 7000 personnes. On y trouve les tombes d'immigrants de 25 pays différents (avec une majorité d'Allemands et d'Irlandais) et des natifs de 26 États d'Amérique du Nord.
Créé en 1833, il affichait déjà complet 40 ans après, suite à l'épidémie de fièvre jaune...
C'est un site de magie noire, les sorcières, parait-il, y officient encore pour maintenir le lien magique avec leurs ancêtres... Il a servi de décor dans la 4e saison de "The Vampire Diaries".
Le cimetière a été abîmé par l'ouragan Katrina et beaucoup de tombes en gardent les stigmates. (Il est d'ailleurs fermé aux visiteurs pour rénovation depuis septembre 2019 sans précision de date de réouverture...)
Mais le temps a aussi fait son œuvre... j'ai vu sur le web une photo de cette statue toute blanche en haut d'un mausolée en 1999...
Voilà un tombeau, par contre, qui a été bien rénové... pourtant le premier ancêtre de la longue lignée de la famille Ernst est né en 1835... la préhistoire pour les américains blancs !
Ici, un sabre dans une urne... ouais ouais ouais...
Ci-dessous d'autres photos des ohlalas de défunts...
Diaporama : Lafayette Cemetery N°1
Aujourd'hui nous avons l'intention de pique-niquer dans la chambre (et bien non, pas le resto tous les jours !), aussi nous nous postons à l'arrêt du tram pour revenir à l'hôtel... mais de très longues minutes passent... et pas de tram...
...ça nous laisse plein de temps pour admirer les restes de la parade de Mardi-Gras dans les arbres !
En fait, en allant vérifier sur leur site, je découvre qu'un incident a eu lieu sur la voie, qui bloque tous les tramways verts...
Du coup, on a beau aimer les décos dans les arbres... on commence à avoir très faim !
N'écoutant que notre courage... euh notre faim, nous prenons alors la décision la plus folle de notre vie... le lunch au Commander's Palace !
Quand l'hôtesse nous demande si ça ne nous dérange pas de manger dans le patio parce qu'il n'y a plus de place à l'intérieur lol... Ah, dommage, nous qui voulions vraiment manger dedans, dans le bruit et avec le froid de la clim !
La joli carte du resto...
Finalement on est surpris par les prix : par exemple, le cocktail est proposé à 0,75 centimes avec le menu ! Pourquoi donc se priver...
Et en plus, on se régale ! Cuisine fine et service impeccable (ils sont 3 serveurs à se relayer à notre table!), on goûte à l'alligator frit accompagné de "gruau d'huitres fumées" (?), d'oignons et de piments grillés sur coulis de poivron et sauce Tchoupitoulas... bon je ne sais pas trop ce que c'est mais le nom est joli, c'est relevé-juste-ce-qu'il-faut et miam, c'est bon !
Après un plat à base de crevettes tout aussi délicieux, je finis avec un dessert à tomber par terre, même que le serveur a émis des doutes sur ma capacité à tout manger (il me l'a apporté en me disant "good luck!") mais il ne me connaissait pas (ok, j'ai un peu partagé avec Norbert...)
Tout ça pour 76 dollars + pourboire... ça va, on peut continuer notre voyage !
(bon, à condition que le tramway arrête de se faire désirer, il nous ennuie celui-là avec sa propension à faire des jeux de mots débiles en rapport avec le film d'Elia Kazan!)
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Plus d'infos (en dessin et en anglais) sur l'architecture de la Nouvelle Orléans, cliquer ici