La photo de l'après-midi
A peine arrivés à Memphis, pèlerinage urgent obligatoire !
Première ville à attirer les noirs du Delta chassés des plantations par la mécanisation de la culture du coton et cherchant à gagner leur vie en jouant leur musique, Memphis fut le foyer initial du blues urbain. Plus tard, grâce au développement de l'industrie du disque, elle va gagner différents surnoms : "Home of the Blues", "Soul City" , "Birthplace of Rock'n’roll"... bref, la ville a pour reine la musique et pour palais ses studios d'enregistrement !
De Clarksdale à Memphis, le ciel continue de nous tomber sur la tête, à tel point que nous passons dans l’État du Tennessee sans repérer le panneau !
Nous rejoignons Memphis à 16h : juste le temps de faire le check-in et de poser nos valises, nous profitons d'une accalmie pour repartir à pied.
Exceptionnellement, nous avons fait une réservation par nous-mêmes au "Quinta Inn and Suites Downtown" afin de profiter d'un hôtel bien placé avec un parking gratuit... les parkings des hôtels de centre-ville sont en effet hors de prix aux USA (40 à 45$ par jour + le tip au voiturier), on est contents de pouvoir faire cette économie sur 3 nuits ! Et déjà on apprécie le poster de l'accueil !
D'ailleurs tous les murs des couloirs de l'entrée sont décorés de posters de Memphis, c'est super beau.
On trouve notre chambre très classe...
L'hôtel offre aussi l'avantage de se situer à 800m de Sun Studio (706 Union avenue), endroit de légende où le blues, le gospel et la country ont fusionné pour donner naissance au Rock'n'roll, seul studio d'enregistrement classé au registre national des lieux historiques... Grâce à cette proximité, nous pouvons faire la dernière visite guidée de la journée à 17h.
L'entrée est un bar-gift shop qui nous met tout de suite dans l'ambiance...
On peut se restaurer en attendant le départ du tour guidé...
...où l'on va tout apprendre sur l'histoire du studio, initialement dénommé le Memphis Recording Service et fondé en 1950 par Sam Phillips, un jeune ingénieur du son de 27 ans désargenté qui nourrissait une passion pour la musique noire du Sud des États-Unis et souhaitait donner leur chance aux artistes méconnus, comme B.B. King ou Howlin' Wolf.
Trois événements vont faire de ce studio une légende en marquant l'histoire de la musique américaine : le premier en 1951, quand Jackie Brenston accompagné de ses Delta Cats -avec Ike Turner au piano- gravent ici "Rocket 88", considéré comme le premier morceau de rock'n'roll de tous les temps. Le succès de la chanson (que vous pouvez écouter ci-dessous) permit à Sam Phillips de lancer en 1952 le label Sun Records qui se démarquait de ses concurrents en proposant un tout nouveau style musical.
Pour connaître les deux autres anecdotes, passez la porte et suivez-nous dans notre visite du musée...
A l'étage, une grande salle garnie de vitrines où sont exposés divers objets racontant l'histoire du studio : disques vinyles, micros vintage, instruments de musique, graveurs, néons, magnétophones-à-bandes, affiches, photos...
Ici Rosco Gordon Jr dont la façon unique de jouer du piano, en mettant l'accent sur les contretemps, a inspiré les rythmes du reggae jamaïcain.
Là, un groupe de prisonniers d'un pénitencier de l'Etat du Tennessee dont le succès du disque " Just Walkin' in The Rain" leur a permis d'obtenir la grâce du Gouverneur !
Une Lucille car c'est ici que B.B. King a commencé à se faire connaître
Bien sûr, Jackie Brenston et Ike Turner sont à l'honneur... La visite est d'ailleurs musicale : à chaque fois que le guide explique un pan d'histoire, il lance l'enregistrement qui s'y réfère.
Un graveur de 1950
Mais la star du studio, c'est ce jeune inconnu de 18 ans qui, un jour de juillet 1953 (deuxième événement !), a poussé la porte et demandé à Marion Keisker, l’assistante de Phillips, une session personnalisée tarifée à 3,25$ pour enregistrer deux chansons en guise de cadeau d’anniversaire à sa mère, Gladys. Suivait alors un dialogue devenu célèbre où Keisker demande au jeune homme : « Quel type de chanteur êtes-vous ? ». Réponse : « Je chante tout ». Keisker insiste : « Comme qui chantez-vous ? » Et Elvis Aaron Presley, le futur King, de répondre : « Je ne chante comme personne d’autre ». Phillips n'est pas particulièrement conquis par Presley mais Keisker, elle, croit en lui...
Un an après, Bébé Elvis enregistrait « That’s All Right (Mama) ». Trois jours plus tard, à la radio, le DJ Dewey Phillips jouait la chanson lors de son émission « Red, Hot & Blue ». Assailli de coups de téléphone d’auditeurs enthousiastes, il passait le titre à 14 reprises ! Le succès d’Elvis était fait. En moins de deux ans, Sam Phillips fit d'un parfait inconnu qui ne s'était jamais produit en public l'artiste le plus recherché des USA.
Du coup, le roi du rock'n'roll est partout : photos,
disques,
même sa guitare dans un bel étui en cuir
et la régie de la station de radio qui a passé pour la première "That's all right".
Ensuite on redescend au rez-de-chaussée pour rejoindre le Saint des Saints (je n'exagère pas, le slogan du Sun Studio est : "Si la musique était une religion, Memphis serait Jérusalem et le Sun studio son principal sanctuaire" !) : la salle d'enregistrement proprement dite, sol en lino, murs en plaquage formica, tapis élimé...
Ici trône la photo que nous avons vue un peu partout dans le musée et qui immortalise le troisième événement lié à la renommée du studio .. En effet, la bonne intuition de Sam Phillips lui a fait découvrir d'autres stars qui ont enregistré des titres de renommée mondiale. Le 4 décembre 1956, Carl Perkins (Blue Suede Shoes) répétait au sein du studio en compagnie d’un jeune pianiste encore inconnu, Jerry Lee Lewis (Great Balls of Fire). Elvis, de passage dans les parages, venait alors les saluer, bientôt rejoint par Johnny Cash (Walk the Line). Les quatre musiciens débutèrent alors un « bœuf » improvisé de plus de trois heures, immortalisé sur bande-son, mais aussi sur une photo devenue célèbre et vite baptisée le « Million dollar quartet » (pour écouter cet enregistrement improvisé, cliquer sur la photo ci-dessus.)
Pas facile de voir la régie derrière la vitre.
Tout autour de la salle, des instruments de légende ayant été utilisés par les stars du studio... en fait, on se croirait dans la pièce à musique de notre garage ! Cliquez ici et ici et vous verrez que je n'exagère pas !
Ah ben oui, tout pareil !
Il y a même la batterie, comme chez nous ! (sauf que celle-ci, elle a été utilisée par U2...)
Comme on peut le voir sur cette photo, des stars actuelles viennent en effet régulièrement enregistrer au Sun pour se faire une piqûre de lieu de légende.
ça aussi, on a... (si, si je vous assure !)
Le guide nous présente le premier micro dynamique utilisé par Elvis et par bien d'autres stars (bonjour les microbes !), et nous montre comment Johnny Cash transformait sa guitare en instrument de percussion à l'aide d'un billet coincé derrière les cordes (la batterie n'étant pas utilisée, à l'époque, dans la musique Country)
Le moment le plus rigolo, c'est quand les visiteurs s'approprient le fameux micro vintage (plein de microbes, donc) pour singer Elvis avec force grimaces et jeu de jambes... on se moque copieusement et puis... on fait exactement pareil !
Diaporama : même pas honte ! (et même pas peur des microbes...)
Retour à l'hôtel pour trier les photos et, après le pique-nique du soir, nous repartons pour une petite balade nocturne sur Beale Street.
(Pour écouter "Just Walkin' in the Rain" des Prisonaires pendant notre balade dans Beale Street...)
Nous logeons à proximité du stade de baseball des Redbirds, d'ailleurs on s'inquiétait un peu des nuisances sonores nocturnes pour ce week-end mais en fait, les festivités aux USA commencent et se finissent toujours très tôt en soirée.
En plus, on va constater rapidement que la police est partout dans le centre-ville : les accès à Beale Street sont même filtrés avec ouverture des sacs... On croise par ailleurs beaucoup de homeless... Finalement, on va se sentir moins en sécurité qu'à la Nouvelle-Orléans.
Donc Las Vegas a le "Strip", La Nouvelle-Orléans a "Bourbon Street" et Memphis a "Beale Street", la grande rue de 2.5 km où tout a commencé en 1841... Elle a été baptisée ainsi en hommage à un soldat héros de la guerre civile longtemps oublié depuis… Au départ, elle servait essentiellement à relier les commerces du downtown aux navires chargés de marchandises qui arrivaient par le Mississippi.
A partir des années 1900, les afro-américains libres investissent Beale Street en y ouvrant restaurants, bars et commerces, et de nombreux artistes noirs viendront y tenter leur chance jusqu'en 1960. Nombre d’entre eux fermeront ensuite boutique malgré une loi proclamant la rue « berceau du Blues » en 1966. Mais ce n’est qu'en 1980 que la célèbre rue (re)deviendra une des attractions principales de Memphis.
Donc, comme sur Bourbon street, succession de bars et de restaurants avec musique live partout et population "cocktailisée"... mais la rue est quand même moins bruyante que celle de la Nouvelle-Orléans.
Par contre, beaucoup plus bling bling ! Les néons des enseignes rivalisent de couleurs et de clignotements, on retrouve ici un côté Las Vegas dans la débauche de lumières !
Diaporama : Beale Street
Le B.B. King Blues Club (143 Beale Street), ouvert en 1991, est devenu une véritable institution avec, tous les soirs, des concerts de blues, soul et rock'n'roll et une piste de danse où on peut guincher jusqu'à 1h du matin (quand je vous disais que les américains se couchaient tôt...)
Lui n'est jamais bien loin !
Trop beaux les abattants de WC !
Je veux !
La guitare est d'ailleurs présente partout...
Memphis : guitares dans Beale Street
Non mais... bling bling et kitch en plus !
BONUS FAMILIAL
Diaporama : Lui à Memphis