La photo du jour
Donc... ascenseur actuellement interdit d'accès car utilisé par des...
canards!
Ce dimanche matin, nous nous prélassons un peu dans notre chambre d'hôtel car notre prochaine visite ne peut pas avoir lieu avant 11h... Je suis en effet sur le point d'accomplir le miracle du siècle... traîner Norbert dans une messe Gospel ! J'ai un mari musicien qui a de multiples goûts musicaux mais les chants gospels... ça le gonfle ! ("c'est la même chose pendant 3 plombes, c'est burin" etc etc...) Alors cette fois, il veut bien m'accompagner... mais c'est juste pour me faire plaisir !
Sauf que je n'ai pas choisi l'église au hasard... Une toute petite chapelle située dans le sud de Memphis, dont l'extérieur ne paye pas de mine, mais qui est quand même exceptionnelle : elle appartient au révérend Al Green.
Et Al Green, ce n'est pas n'importe qui : avec 21 nominations au Grammy Awards et 11 trophées (dont un Grammy pour l’ensemble de son œuvre en 2002), il est considéré comme le dernier des grands chanteurs de Soul ! Plus encore que ses prédécesseurs Sam Cooke et Otis Redding, il a incarné au début des années 70 le mélange de musiques sacrée et profane dont est composée la Soul et ses créations ont influencé des artistes chevronnés tels que Marvin Gaye (d'ailleurs je trouve que leurs voix sont un peu similaires...)
Sa chanson signature...
Mais en 1974, au summum de sa popularité, un événement va orienter Al Green dans une nouvelle voie : son ex-petite amie Mary Woodson, avec laquelle il refuse de se marier, entre par effraction dans sa maison de Memphis et déverse du gruau de maïs brûlant sur le chanteur alors qu'il prend un bain. Il est brûlé au second degré sur le dos, le ventre et les bras. Pour couronner le tout, Mary se suicide dans la foulée devant ses yeux d’une balle dans la tête. Al Green interprète cet épisode comme un signe de dieu et décide d'entrer en religion.
Je n'étais pas sûre qu'il soit présent pour l'office car il donne des concerts de temps à autres, mais nous arrivons en même temps que lui ! Nous sommes accueillis chaleureusement dans la salle, elle n'est pas remplie mais les fidèles présents sont déjà en ferveur et vu que l'office dure plusieurs heures, il y a des mouvements d'entrée et de sortie d'ouailles régulièrement...
Alors c'est vrai que le révérend n'a plus la ligne de sa jeunesse, ni même le physique du programme qu'on nous a donné à notre arrivée... mais il assure toujours au niveau de la voix !
Et surtout, les musiciens sont excellents ! Rien à voir avec de le style burin que craint Norbert, c'est soul, c'est rock, c'est super moderne ! Je vous mets d'ailleurs ci-dessous un extrait (j'ai volontairement enlevé les images de ma vidéo pour ne garder que le son à cause des problèmes éventuels de droit à l'image.)
Entre les chansons, ce sont des sermons enflammés appuyés par les "Yes" fervents de fidèles presque en transe frappés soudainement par la découverte de vérités profondes... Le discours du révérend est bizarrement ponctué de très nombreux "Hey men", que je traduis mentalement par "Hé, les gars !", repris systématiquement en écho par l'assemblée... Mon étonnement arrive à son comble lorsque, comme tous les autres participants, je vais mettre un billet dans l'escarbille tenue par le couple de la photo et que le monsieur me gratifie à son tour d'un "Hey men", expression que je trouve un peu inappropriée au regard des attributs évidents de ma féminité...
Bien plus tard, nous comprendrons notre erreur en faisant des recherches sur internet... il ne s'agissait pas bien sûr de "Hey men" mais de "Amen" avec l'accent anglais !
On s'éclipse au bout de 2h d'office... il est en effet déjà 13h40 et l'appel du ventre devient soudain plus fort que celui du Seigneur ! En rentrant à l'hôtel, on passe devant le Sun Studio, je reprends la photo parce qu'avec le ciel bleu, tout est vraiment plus beau !
On rejoint à nouveau Beale Street à pied...
On y trouve la Ford Mustang assortie à la valise de Martine (son rêve ultime !)
Sur les conseils des internautes, on va manger au Blues City Cafe dont la devise est "Come on in and put some South in your mouth!" (= Entrez et mettez du Sud dans votre bouche), renommé pour la qualité de ses "ribs" et fréquenté par tout un tas de beau monde comme Bill Clinton, Keanu Reeves, Tom Cruise, Samuel L. Jackson, Al Green, Carla Thomas ou Plastic Bertrand (vous pensiez y échapper ? Que nenni, je vérifie toujours si vous suivez !)
On avait le choix : travers de porc tendres et juteux caramélisés par une sauce barbecue à l'érable et servis avec des haricots au lard, des frites, du chou et du pain grillé ou filet de poisson-chat pané à la semoule de maïs et aux épices accompagné de sauce tartare.... comme je n'arrivais pas à choisir, j'ai pris un combo des deux pour 21,95 $ ! Inutile de vous dire qu'il est rare qu'on prenne un dessert dans les restos américains !
Ensuite, nous nous rendons au Rock'n'Soul Museum qui va regrouper toutes les infos que nous avons glanées lors de la visite de nos précédents musées : le B.B. King à Indianola, le Sun Studio, le Stax Museum et Graceland.
Il retrace en effet les origines du rock'n'roll et de la soul avec des expositions documentées, des objets historiques, des instruments, des disques... Cerise sur le gâteau, on nous fournit un audio-guide où nous pouvons écouter une centaine de chansons en plus des informations (il suffit de taper le numéro de la vitrine ou celui des chansons des playlists affichées). Du coup, comme les autres visiteurs, on fait toute la visite en dansant !
Le musée couvre la totalité de l'histoire musicale à Memphis en partant des ramasseurs de coton des années 1930 jusqu'à l'âge d'or des années 1970 et son influence sur toute la musique américaine.
On y trouve donc d'abord des reconstitutions montrant que les familles d'agriculteurs vivaient nombreux dans une toute petite maison et utilisaient souvent une même pièce comme chambre et salon combinés.
Diaporama : origines rurales de la musique soul
Même si de nombreuses maisons manquaient d'électricité, les radios à batterie et le Victrola à ressort (marque de la Victor Talking Machine Company dont le nom est devenu générique) ont permis de diffuser la musique au cœur des foyers isolés.
Les musiciens itinérants ont porté cette musique rurale dans la rue, les relais routiers, les juke joints et les honky tonks.
Le juke-box est apparu dans les années 1930 : le mot "juke" vient d'une expression africaine qui signifiait "désordonné". Les juke-box, boites à disques utilisées dans les juke-joints (tavernes tenues par les Afro-Américains) étaient des substituts peu coûteux à la musique live. Après la guerre, ils ont alimenté la popularité et le succès commercial du blues, de la country, du rock et de la soul.
En effet, étant donné que les opérateurs s'appuyaient sur les préférences des clients pour déterminer la sélection, les jukebox se sont référés aux goûts de la communauté noire ignorés ou mal desservis par les radios. En 1955, il en existaient 550 000 aux États-Unis et ils utilisaient 25% de tous les disques produits !
Ensuite, c'est mise à l'honneur de tous les musiciens et des studios d'enregistrement qui ont fait la renommée du Son de Memphis :
Le Sun avec Johnny Cash et Jerry Lee Lewis
La Stax avec Rufus et Carla Thomas, Otis Redding et le "Moïse noir" Isaac Hayes
La WDIA, première station de radio à diffuser exclusivement de la musique afro-américaine à partir de 1954.
Et un groupe de musiciens blancs originaire de Memphis, les Box Tops, qui s'est fait connaître internationalement en 1967 grâce au tube "The Letter" alors que le chanteur n'avait que 16 ans ! (mais si, vous connaissez... "Give me a ticket for an aeroplane"... même moi je connais, c'est dire !)
Comme dans les autres musées, les vitrines présentent moult instruments souvent signés de leur propriétaire (avec des Lucille, bien sûr !), des vêtements et tenues de scène, des appareils d'enregistrement vintage...
Diaporama : orgue Hammond ayant servi à la composition de "Suspicious minds", guitares Gibson Lucille, consoles des Sun et Ardent Studios, tenues de Isaac Hayes, Sputnik Monroe, Jerry Lee Lewis, Charlie Rich et Elvis Presley
On y trouve même, au côté d'une tenue de scène, une robe pastorale et une bible appartenant au révérend Al Green !
Ah oui, je confirme, on n'a pas vu tout à fait la même personne ce matin...
Bien sûr, toute une salle est réservée à Elvis... Où on apprend que "Good Rockin' Tonight", chanson du louisianais Roy Brown sortie en 1947 et reprise ensuite par Elvis, fut le premier titre à utiliser le terme " rock ". Je remarque d'ailleurs à l'écoute de ce titre que le King s'est pas mal inspiré de la façon de chanter de ce pionner du rock...
Roy Brown, précuseur du Rock
Ah oui, quand même...
Et ici, une star mondialement connue dont je vous laisse deviner le nom...
J'en profite pour vous mettre une reprise de Blue Suede Shoes où Norbert fait le batteur de choc... c'était dans son autre vie de musicien professionnel !
Hommage au Rock, 1978. Cassettes Lyon France JBP. Avec : Pierre TIBERI, clavier - Bernard CERVANTES, guitare et voix - Norbert PEILLON, batterie.
La visite se termine par le lien entre la musique de Memphis et les luttes raciales... il ne faut pas oublier que Memphis est l'endroit où a été assassiné Martin Luther King en 1968 alors qu'il était venu défendre ses compatriotes noirs en grève.
Au niveau musical, Isaac Hayes est l'icône de cette lutte pour les droits civiques : la photo, c'est pour vous, mesdames...
...et la guitare du gift shop, je l'aurais bien voulue pour moi ! (j'ai un faible pour les clés...)
Suite de notre balade avec le Peabody Hotel (bâti en 1869 puis reconstruit en 1925) qui est considéré comme le seul hôtel historique de Memphis : outre les hommes d'affaires ou les politiques, il a aussi accueilli les musiciens du Mississippi qui venaient jouer dans Beale Street et ses chambres ont souvent servi de studios d'enregistrement provisoires.
Mais aujourd'hui, sa renommée vient surtout de ses... canards ! L’histoire a commencé en 1930 lorsque le directeur de l’époque a ramené d’un week-end de chasse 3 canards vivants qu’il avait utilisés comme appâts. Ayant abusé vraisemblablement du Jack Daniel's, il a trouvé drôle de les laisser barboter dans la fontaine du hall de l’hôtel, ce qui déchaîna l'enthousiasme inattendu des clients... Les canards devinrent une institution et un « Duck Master » fût nommé pour apprendre aux canards à prendre l’ascenseur qui relie le hall à la terrasse de leur habitat et à se rendre par un tapis rouge jusqu’à la fontaine du lobby où ils passent la journée... Encore aujourd’hui, cette attraction gratuite a lieu tous les jours à 11h et 17h... on ne pouvait pas rater ça !
Comme il y a beaucoup de monde en bas qui attend le début de cette célèbre "marche des canards", nous décidons de monter sur la terrasse du dernier étage pour les voir sortir de l'ascenseur et rejoindre leur enclos...
...enfin, je devrais plutôt dire leur palace !
Cela nous permet de profiter de belles vues sur la ville
l'Autozone Park et notre hôtel, 2 bâtiments après
des fresques que nous n'avions pas vues d'en bas...
et la Mississippi River.
Voici donc le Palais des canards...
avec tout le confort à l'intérieur.
Ils ont même leur propre hôtel Peabody !
Arrivée des stars palmées ... Vous faites quoi dans la vie ? Je suis groom pour canards !
Retour au bercail... c'est quand même plus calme qu'en bas !
Comme vous l'avez vu en début de l'article, les très beaux ascenseurs du Peabody sont privatisés au moment de la marche des canards !
Fin de notre visite de Memphis ... On aurait pu voir plein d'autres choses en restant une journée de plus : le Lorraine Motel et le Musée des Droits Civiques, le downtown historique et son vieux trolley, le musée du coton, le grand centre commercial "Brass Pro Shops Pyramid", le quartier des maisons victoriennes... (cliquez sur les liens si vous voulez avoir des infos sur un autre blog...) Il faudra revenir !
→ Pour voir toutes mes photos de Memphis en grand format cliquer ici :
BONUS : pour écouter d'autres titres d'Al Green
1) Tired Of Being Alone 0:00:00 2) Call Me 0:02:43 3) I'm Still In Love With You 0:05:47 4) Here I Am 0:09:02 5) Love And Happiness 0:13:17 6) Let's Stay Together 0:18:21 7) I Can't Get Next To You 0:21:40 8) You Ought To Be With Me 0:25:34 9) Look What You Done For Me 0:28:54 10) Let's Get Married 0:32:00
Et ci-dessous, une chanson qu'il a enregistrée en décembre 2020 (reprise de Freddy Fender)
C'est un joli cadeau de Noël pour tous les fans d’Al Green. Voilà longtemps que cette icône américaine de la soul des 70’s a raccroché le micro, son dernier album en date Lay It Down ayant clôturé voilà maintenant douze ans la longue série de succès et de virages artistiques qui ont ponctué sa carrière. Et si rien n’indique aujourd’hui que l’auteur du somptueux Let's Stay Together compte un jour retourner en studio, le chanteur de 74 ans vient tout de même de réapparaitre cette semaine en publiant une reprise vintage de la ballade "Before The Next Teardrop Falls".