La photo du matin
Ce matin, nous avons participé à un festival... à vous de deviner le thème !
Un autre indice : comme nous avons passé la journée dehors, je finirai exactement de la couleur du thème ! 30 degrés et un soleil de plomb, le déluge d'hier n'est plus qu'un mauvais souvenir...
Au programme aujourd'hui : bayous, parade, musique cajun et écomusée...
Carte de Lafayette et ses environs
Carte du campus de l'Université de Louisiane
Nous commençons par aller faire un tour dans Lafayette, ville de tradition francophone anciennement nommée "Vermilionville" car bâtie au bord de la rivière Vermilion en pleine "Acadiane" (ou pays Cajun), à 210km de la Nouvelle-Orléans.
Nous faisons d'abord une étape dans le campus de l'Université de Louisiane
... qui compte plus de 19 000 étudiants formés, entre autres, à l'informatique, à l'ingénierie et aux soins infirmiers...
Nous sommes à la recherche d'un endroit très particulier, bien caché en plein campus, et que nous aurons un peu de mal à trouver... (c'est dimanche, on croise peu de monde pour nous renseigner)
Cypress Lake, le bayou de l'Université !
Notre premier bayou avec cyprès chauves incorporés...
c'est magnifique !
Emblème de la Louisiane, le cyprès chauve est un conifère à écorce brun rouge qui perd ses feuilles, d'où son qualificatif... il peut survivre dans les milieux humides grâce à ses racines aériennes (ce sont les excroissances verticales qu'on voit à son pied). Quant à l'omniprésente mousse espagnole (qui n'est d'ailleurs ni une mousse, ni un lichen), c'est une plante épiphyte, c'est-à-dire qu'elle pousse hors de terre en captant l'humidité de l'air.
(c'était donc la séquence botanique du jour !)
C'est là que je commence à réaliser le mystérieux pouvoir attractif de cet écosystème, à la fois majestueux et inquiétant, on a l'impression que la magie vaudou imprègne les lieux...
Et en plus... notre premier Galli ! Non mais ??? Ici, ils ont des alligators dans le campus universitaire ! Tu n'apprécies pas ton camarade de chambre ? Il t'empêche de dormir avec ses ronflements ? Allez, direct aux gators, pas vu, pas pris !
En plus, d'autres animaux carnivores, comme le poisson-gar, pourront finir le repas... (ah ben, je vous l'ai dit, je suis sous l'emprise de l'atmosphère vampiro-vaudou..)
Pour parfaire la beauté des lieux, l'université a aussi son allée de chênes centenaires...
Une autre étape incontournable à Lafayette, la cathédrale Saint Jean l'Evangéliste. Ce haut édifice construit en briques en 1918 est très original avec son architecture de style roman hollandais.
On admire la cathédrale mais on s'extasie surtout sur l'énorme chêne vieux de plus de 450 ans qui la jouxte (oui, oui, c'est bien UN SEUL arbre !).
Ici vu de l'autre côté... sa ramure est tellement large qu'il doit être soutenu par des étais !
C'est l'heure de la messe (en fait, le dimanche, il y a 3 offices rien que le matin, donc c'est forcément l'heure de la messe...) mais on va essayer quand même d'aller voir l'intérieur...
C'est beau.. et plein à craquer ! (il y a même des fidèles debout dans le sas d'entrée)
On s'y attarde un peu sous le regard bienveillant du Curé d'Ars (en fait de regard bienveillant, j'ai l'impression qu'il est un peu lui aussi sous l'emprise vampiro-vaudou... il fait limite peur, non ?)
Les tombes du cimetière portent des noms français.
On finit notre rapide visite de Lafayette par un coup d’œil à la maison de la famille de Jean Mouton, riche planteur de coton français qui a fondé la ville en 1821 et dont le fils Alexandre fut le premier gouverneur démocrate de Louisiane. C'est aujourd'hui un musée contenant les souvenirs de la famille et des costumes de Mardi-Gras (mais fermé le dimanche... et puis on n'a pas le temps !) Je croiserai d'ailleurs sur le trottoir une personne âgée très élégante qui prendra plaisir à me parler en français et me dira être une descendante du sieur Mouton susnommé.
Lors de la préparation de ce roadtrip, je me suis aperçue que se tenait ce week-end à Breaux-Bridge (ou Pont-Breaux), ville officiellement désignée par l'état de Louisiane comme "capitale mondiale de l'écrevisse" depuis 1959, le Crawfish Festival en l'honneur de ce crustacé, avec défilé, musique et diverses festivités... on ne pouvait pas manquer ça !
Nous voilà donc postés devant les grilles du parc Hardy à attendre sous le soleil le passage de la parade... on discute avec des américains qui viennent de Floride, c'est sympa...
Le défilé est ouvert par les militaires sous les applaudissements et les hourras de la foule...
Puis se succéderont, dans le bruit des sirènes de police et de pompiers, des klaxons de tracteurs et des cuivres de la fanfare...
les chars d'écoles ou d'équipes de sport
les petites pom-pom girls plus-déhanchée-que-ça-tu-meurs
les camions faisant la propagande de leur candidat au poste de shériff du comté... Celui-là est le candidat sortant et à mon avis, vu son nom, il a encore toutes ses chances...
... d'autant plus qu'il y a mis les moyens ! (je suis allée voir sur internet... il a bien été réélu ! Mais pas grâce à nous, bien qu'il soit venu nous serrer la main pour qu'on vote pour lui ! Je lui ai dit qu'il y avait peu de chances...)
Et surtout les avenantes Miss locales !
J'ai un faible pour Miss Mardi-Gras...
Et le meilleur... tout ce petit monde nous lance des friandises, des beads (colliers) et des gobelets au nom des candidats shériffs ! Comme pour les parades de Mardi-Gras !
On a aussi le défilé des Mini (Tiny) Miss ou Misters et, comme souvent aux USA, on est effarés de voir les enfants rester au soleil sans protection sur la tête, à part les couronnes
les nœuds (celui-ci est même plus grand que la robe...)
et les diadèmes...
Original...
L'apothéose : le char de Miss Écrevisse !
Après, il faut tout nettoyer...
Notre butin... il parait que la capture des perles est symbole de chance et de bonne fortune... en tous cas, je peux témoigner que c'est symbole de poids supplémentaire dans la valise pour le reste du roadtrip ! (quand on a vidé nos sacs, on s'est aperçus que le mien était rempli de bonbons et celui de Norbert de gobelets !)
Ensuite direction le parc pour la suite des réjouissances...
Donc fête foraine, concours divers (comme le plus gros mangeur d'écrevisses dont le record a été de 25kg en une séance...), démonstrations culinaires, ateliers de musique cajun, marché artisanal...
Plein d'objets à l’effigie de l'écrevisse bien sûr...
Prise en flagrant délit d'achat !
Mais aussi 2 scènes d'excellente musique dansante, où se succèdent les groupes cajun ou zydeco (= zarico en français : c'est un mélange de musique cadienne et de rythm'n blues dont l'origine remonte aux Créoles d'ascendance africaine ) : tout est interprété en français mais on mettra plusieurs minutes à s'en apercevoir, vu l'accent !
Les instruments actuels de la musique cajun : guitare, accordéon, violon, guitare steel, batterie.
C’est à Breaux-Bridge que l’étouffée à l’écrevisse a été créée...
Les Amérindiens de la région pêchaient et mangeaient des écrevisses avant l’arrivée des Cadiens. Ils plaçaient, dans l'eau des rivières et des bayous, des roseaux qu'ils garnissaient d’appâts de venaison. Dans les années 1950, les roseaux ont été remplacés par les pièges à écrevisses. Aujourd’hui, la Louisiane est le plus grand producteur d’écrevisses au monde avec plus de 1 600 éleveurs qui utilisent 450km2 de bassins artificiels.
On se devait donc de goûter ça ! Bilan : très bon mais vraiment très épicé !
On ne se laisse pas aller...
Faut dire que tout est tentant !
On ne cèdera quand même pas à l'attrait du cocktail dans les verres au design élégant (lol)... notre journée n'est pas finie !
Au milieu du 18e siècle, lorsque 300 Acadiens du Canada ont trouvé refuge dans la région après avoir été chassés de leur terre par les autorités britanniques d'Halifax (qui leur ont tout confisqué), ils se sont établis le long des bayous où les Espagnols, qui venaient d'acheter la Louisiane aux Français, les accueillèrent avec une aide matérielle, logistique et financière, leur laissant le libre choix de leurs terres. Le nom Acadien a été contracté en "cadien" par les Yankees qui l'utilisaient comme terme péjoratif puis américanisé en "cajun" (car les américains ont du mal à prononcer le phonème "djɛ̃").
A Lafayette, le village musée de Vermilionville (10$) retrace leur histoire, leur culture et leurs traditions en incluant également l'influence créole et amérindienne.
Ici aussi, nous sommes accueillis par les flonflons de la musique cajun/zydeco aux forts accents de rythm and blues : comme tous les dimanches de 13h à 16h, le bal bat son plein...
...avec sur la scène un môme dont -heureusement- le micro a été coupé mais qui fait le show en déclenchant l'hilarité du public...
Nous partons visiter ce village reconstitué où la plupart des maisons sont des habitations originales données par les descendants de riches familles qui possédaient des plantations ou des ranchs ("vacheries" en cadien) tandis que d'autres sont des répliques.
Toutes les maisons font face au bayou (du mot indien "bayuk" signifiant "rivière qui coule lentement") car il était à l'époque l'équivalent d'une route : chacun avait un bateau ou une pirogue et circulait sur le bayou pour se déplacer, pêcher, chasser, aller à l'école... Aujourd'hui, des balades en canoé ou bateau à moteur sont proposées par le musée sur le bayou Vermilion (qui porte toujours bien son nom !)
Encore une fois, des paysages marécageux magnifiques
L'eau stagnante est envahie d'algues et de nénuphars
et toujours les franges effilochées de mousse espagnole
Cette maison, où l'on trouve le musée de l'histoire acadienne, est construite sur le modèle des maisons cajun avec un escalier extérieur pour monter à la "garçonnière", chambre où dormaient les garçons à partir de 12-13 ans (l'âge adulte à l'époque !) Avec un escalier extérieur, ils pouvaient aller et venir à leur guise alors que les filles aînées, elles, avaient leur chambre au bout de celle des parents...pas d'escapades pour elles !
Où l'on devient incollable sur la technique du bousillage, colmatage des interstices du bois de construction avec une mixture isolante et imperméable faite de boue et de mousse espagnole... tous les matériaux étaient présents sur place, super pratique ! La mousse espagnole servait aussi à fabriquer des poupées, garnir les matelas, tisser des cordes... son utilisation remonte aux Attakapas. Chevrolet s'en est même servi à une période pour les sièges de ses automobiles !
Dans presque chaque maison, un animateur en habit d'époque nous fait des démonstrations artisanales ou musicales, des traditions amérindiennes jusqu'aux usages cadiens, et répond en français à toutes nos questions...
Un autre exemple de maison acadienne datant des années 1830, propriété des fils de Jean Mouton et qui était à l'origine une école pour les enfants libres de la plantation...
La majorité des maisons de l'époque n'avaient qu'une pièce : la cuisine et les toilettes étaient toujours séparées pour éviter les incendies, la chaleur et les odeurs. A noter que le feu était la deuxième cause de mortalité des femmes après l'enfantement (difficile de se tenir éloigné de l'âtre avec une robe longue évasée !)
Donc, les toilettes extérieures...
confort, convivialité... consternation, surtout !
Cette maison est déjà plus élaborée puisqu'elle propose deux pièces ! (et elle est reliée à la cuisine par une passerelle). Les maisons étaient souvent surélevées pour les protéger de l'humidité du sol, voire des inondations.
Un exemple d'intérieur de ces habitations rudimentaires...
On passe un cran haut-dessus avec Beau Bassin House (1840), mélange de style néo-grec et créole qui appartenait à la famille Arceneaux. Elle est faite en colombages de bois de cyprès et bousillage.
La maison met à l'honneur les outils du métier des étoffes cadiennes. Lorsqu'elles nous voient arriver, ces animatrices se précipitent d'ailleurs sur la terrasse pour jouer du rouet... (j'adore le regard de la fileuse !)
A l'intérieur, un métier à tisser vieux de 150 ans.
La maison Boucvalt, à l'architecture créole, conçue pour un climat chaud et humide, avec un vasistas pour l'aération et une grande galerie pour protéger du soleil et de la pluie. Une cuisine a été rajoutée au 20e siècle.
A l'intérieur, un grand salon/salle-à-manger (très similaire à celui de mes beaux-parents en 1980, même bois, même vaisselier !)
...flanqué de chambres de chaque côté.
Avec en prime, une belle salle-de-bain !
et de jolies poupées en feuilles de maïs.
La reproduction d'une école typique de la fin des années 1800.
Au sud-ouest de la Louisiane, le français était la langue dominante jusqu'au milieu des années 1900. Tous les nouveaux arrivants, quel que soit leur pays d'origine (Allemagne, Espagne, Afrique...), et même les amérindiens l'adoptaient. Mais dans les années 1910, de nouvelles lois ont interdit l'enseignement et la pratique du français dans les écoles afin d'américaniser la population... Les lignes de punition "I will not speak french" que l'on peut lire sur le tableau de cette classe, illustrent cette période. De nos jours, grâce aux efforts du CODOFIL (Conseil pour le développement du français en Louisiane), le français est enseigné comme seconde langue dans les écoles élémentaires de l'État.
Voilà pourquoi on ne comprend pas tout de ce parler cajun qui garde encore les accents du Poitou français dont sont issus les Acadiens...
Broussard House date de 1790, c'est la plus vieille maison de la paroisse de Lafayette. Elle a appartenu au fils du grand résistant acadien Joseph Beausoleil et possède toutes les commodités possibles de l'époque (grand porche, petites pièces supplémentaires à l'arrière...) Comme la plupart des exploitations agricoles du sud-ouest de la Louisiane, l'habitation était esclavagiste.
Monsieur Broussard-Beausoleil nous accueille au coin du feu...
...et nous revisitons donc la salle-à-manger de mes beaux-parents...
Admirez la bouillotte et le pot de chambre (oui ben, en milieu rural, nos parents utilisaient encore ces instruments de torture dans leur enfance...)
Afin de payer moins d'impôts, on ne prévoyait pas de placards, d'où les grosses armoires partout.
Tous les extérieurs des maisons sont bien entretenus
avec une végétation magnifique (et je ne sais même pas ce que c'est !)
Explosion de couleurs avec ces cannas aux pétales tigrés
Je me fais mon trip jardin botanique !
Il y a même de vrais jardins potagers avec les cultures des plantes endémiques de Louisiane...
Dans la très belle Buller House,
où ce panneau vous explique tout sur les différences entre architecture créole et cajun,
nous rencontrons ce très volubile monsieur qui nous joue des airs de violon en nous démontrant les différences entre musique cajun, créole africaine et country... On apprécie beaucoup la leçon même si on ne comprend absolument rien à ses explications en français cajun ! Vous vous moquez de nous ? Et bien, j'ai trouvé le moyen de vous partager la vidéo que j'ai faite, où vous pouvez m'entendre rire bêtement en faisant semblant de comprendre ! Cliquez ici pour en profiter et voyons si vous faites mieux que nous (et encore, heureusement, ya les bruitages !)
Nous arrivons enfin devant La Chapelle des Attakapas, construite dans le style des églises catholiques de Pointe Coupée ou St Martinville.
Avant l'achat de la Louisiane par les américains en 1803, la seule religion légale en Louisiane était le catholicisme. Les premiers colons français mais aussi les espagnols et les acadiens étaient catholiques, les amérindiens avaient été convertis... Les propriétaires d'esclaves avaient même l'obligation de leur donner une éducation religieuse catholique (à défaut d'une éducation tout court !)
L'intérieur est très sobre...
mais cache bien son jeu parce que les bougeoirs, par contre, sont très finement travaillés !
A l'extérieur de l'église, au lieu d'aller voir le cimetière, je continue à m'extasier sur les jardins...
et sur le" Petit Bayou" tout proche...
qui mérite bien quelques panoramiques...
Vraiment une très belle visite, vivante, intéressante et dans un cadre superbe... on conseille ! (rassurez-vous, vous aurez encore des choses à découvrir, je ne vous ai pas tout montré !)
Ah, j'allais oublier, pour vos enfants, il y a aussi une petite ferme avec des animaux...
qui ne sont pas les seuls que l'on peut voir dans les environs... alors là, j'ai pris en photo les petits écureuils qui batifolent et en regardant mieux le cliché, que vois-je en arrière-plan ? Oups, on ne l'avait pas remarqué sur place !
Et maintenant la
en 2 photos !
Voici Miss Paroisse St Martin, reine des fermières... elle me lance avec un grand sourire une sucette Lollipop... qui finit sa course avec force directement sur ma lèvre !
Et maintenant, je ressemble à Elephant Man pour le reste du voyage ! (oui, parce que ça va passer par toutes les grosseurs et toutes les couleurs...)
BONUS PERSONNEL
(où vous pourrez voir mon bel achat vestimentaire du jour... même pas honte !)
Diaporama : Nous à Lafayette et Breaux Bridge
Mais attention, la journée n'est pas terminée car nous avons rendez-vous à 18h avec Cajun Swamp Tour pour une virée de 2h sur le lac Martin et ses bayous... plus de 600 photos à trier pour le prochain article, entre celles de l'appareil et celles du smartphone... je ne vais jamais y arriver !
BONUS : 2 vidéos des orchestres Cajun du Festival de l’Écrevisse
(oui oui ils chantent en français !)